jeudi 26 janvier 2023

Garage N°25 : La Planification, quand les joueurs et les joueuses font parler leurs personnages

 

(Durée 01 : 48 : 02)
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Au cours d'une planification, les joueurs et les joueuses élaborent un plan. Ils discutent des moyens nécessaires à atteindre certains objectifs. Certains jeux de rôle, comme l'Agence d'Adrien Cahuzac, lui consacre même une phase de jeu pleine et entière. La plupart du temps, pendant l'élaboration d'un plan, les joueurs discutent entre eux. Parfois, ils en discutent via leurs personnages...

 


 

Cette semaine, Valentin s'interroge : comment faire en sorte de limiter au maximum les échanges entre joueurs et joueuses au profit d'authentiques discussions entre leurs personnages ? Avec Flavie, Céline et Romuald, nous lui livrons quelques indices permettant atteindre son audacieux objectif. De la limitation des ellipses dans le B.A.S.Q. (Bac à Sable du Quotidien), à la densification des personnages de Trip to Skye, jusqu'au bâton des points d'immersion négatives de Sens, nous posons toutes nos méthodes sur la table...

 

Bonne semaine à tous et à toutes ! Portez-vous bien et surtout jouez bien !

8 commentaires :

  1. Un grand merci à Valentin pour ce sujet. A Céline, Flavie et Romuald pour leurs très nombreuses suggestions :)

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  2. Vous l'avez dit : rapidité + enjeu, vu que la communication c'est déjà plein d'erreurs, on va à l'économie en zappant le RP.

    Aussi, les personnes à la table n'ont pas forcément les compétences pour gérer des réunions de prises de décision. Et celles qui les ont ne veulent pas jouer "la réunion de travail". Les jetons, s'il y en a, seraient à mon sens plus utiles pour matérialiser la prise de décision : 1 jeton autorité pour poser une chose dont on ne discute pas. Mais au lieu de jouer cette action, on continue à planifier.

    Vous avez parlé de canon esthétique. Nerves of Steel construit une enquête de roman noir tout à la 1ère personne.

    Je n'ai pas de gout particulier pour "l'incarnation", des fois le personnage me tombe simplement dessus. Faites de jeux qui me donnent plus envie (Héros d'Argile, Toiq ui comme un coup de couteau).

    Merci et bonne journée !

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  3. Hello hello !

    C’était un super podcast, que j’ai écouté avec passion et qui m’a fait beaucoup réfléchir (je crois que j’aime beaucoup les « garages » :p).

    J’ai pris quelques notes pendant mon écoute, j’essaie de les mettre en forme ici pour contribuer, modestement, à la réflexion. Je ferai dans ce long commentaire quelques références au podcast sur le Modèle Analytique de la Narration Naturelle, qui m’a fortuitement (incroyable calendrier de sortie !) fourni des pistes pour conclure.

    Avant toute chose, j’avais des présupposés à l’annonce du thème du podcast. Spontanément, et à l’écoute de l’introduction, j’ai eu une image très claire de cette dynamique de « planification » qui me dérange aussi. J’ai l’impression qu’une telle dynamique entre en jeu lorsque les PJ doivent, d’une manière ou d’une autre, interagir avec les règles du jeu, ce qui nécessite des interventions méta-fictionnelles. Vous passez plusieurs fois sur cet enjeu, mais sans jamais le fouiller directement, alors je propose de tirer quelques fils de ce côté.

    Mais avant toute chose, j’ai besoin d’une petite brique théorique. Olivier Caïra, dans Définir la fiction (2011), tente de relier différentes activités imaginatives qui appartiennent toutes, selon lui, à la fiction. Notamment, il tente de voir comment rassembler la littérature, le cinéma… et les jeux de société, sous cette même étiquette de « fiction ».
    Bien évidemment, ce qui est central, selon lui, c’est la dynamique imaginative. Dans le cas du jeu d’échecs ou dans le cas d’un roman, on « imagine » des choses, mais selon des règles différentes.
    Je fais bref : du côté du jeu d’échecs et des autres jeux de société, Olivier Caïra propose de parler de fiction  « numérique » dans la mesure où nos modalités d’imagination relèvent des mathématiques (l’ensemble des positions des pièces sur la matrice qu’est l’échiquier). Lorsque nous jouons une partie d’échecs, nous devons avoir en tête l’ensemble des règles du jeu qui construisent les possibilités combinatoires d’existence et de développement de la situation-partie.
    Du côté de la littérature ou du cinéma, c’est plus « habituel », nous imaginons des situations qui ressemblent à celles de notre quotidien (avec des personnages, très souvent humains, qui agissent, pensent, ressentent, etc.), autrement dit, nous imaginons par analogie avec le monde que nous connaissons. Caïra appelle cela la fiction « analogique ».

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    1. Bon, j’en viens au fait : il me semble que la planification émerge (et surtout : dérange) lorsqu’elle opère un changement non désiré du statut de la fiction (entre analogique et numérique).

      Exemple : dans un jeu caractéristiques-compétences à la D&D, les PJ rencontrent un grand dragon qui garde un trésor. Le MJ décrit le dragon, il intimide les PJ, etc. Nous sommes dans une dynamique analogique de fiction (le monde imaginaire est construit par tout le monde selon des règles de « cohérence » analogiques à notre monde réel. Analogiques mais pas identiques, évidemment, car il y a une part de merveilleux).
      Seulement, pour pouvoir vaincre ce dragon et empocher le trésor, les PJ doivent s’y confronter à l’aide du système de jeu. Combien tu as de PV encore ? Tu peux le frapper à distance de là où tu es ? Si je le frappe deux fois, puis toi ensuite, on fait combien de dégâts ? Paf, nous sommes passés dans le mode numérique : les possibilités d’évolution de la fiction sont déterminées par des règles mathématiques.
      La table ne réfléchit plus en fonction des évènements tels que vécus par les personnages, mais en fonction des règles numériques du jeu.

      Ce cas ne représente sans doute pas l’intégralité de ce qu’on peut regrouper sous le terme de « planification », mais ça me semble tout de même un cas fréquent, et donc intéressant à étudier.

      Je précise en passant quelque chose qui me semble important : dans cet exemple, les PJ ne sont pas « sortis du jeu », ni même, au sens d’Olivier Caïra, sortis de la fiction. Ils ont simplement franchi une frontière entre différents niveaux de fiction. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes très nombreux.ses à la franchir de façon spontanée.

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    2. Je poursuis. Si on veut empêcher la planification d’émerger dans mon exemple, il faut soit empêcher le changement de position des PJ (analogique > numérique), soit prévoir le moment où ce changement de position interviendra afin de l’intégrer de façon plus fluide.

      Quand Valentin parle de « déplacer la résistance sur le rôle-play », j’ai l’impression que c’est un peu ce qu’il propose de faire : substituer à des enjeux numériques (les caractéristiques-compétences) des enjeux analogiques (l’interprétation des personnages et sa cohérence).

      Pour demeurer plus souples, vous proposez ensuite, pour résoudre la « cassure » induite par la planification hors role-play, de mettre les PJ en situation de planifier tout en jouant leurs personnages. Mais cela vous semble être au final une une « solution de facilité ». Je tire mon fil : cela paraît « facile » et « inélégant » parce que les enjeux numériques ont simplement été déplacés à l’intérieur de la fiction analogique, comme si les personnages eux-mêmes devaient résoudre les enjeux de la fiction numérique.
      Ainsi les joueurs et joueuses n’ont pas besoin de sortir de leur niveau analogique de fiction pour résoudre les enjeux numériques puisqu’ils sont intégrés, comme une mise en abîme… comme une fiction (numérique) dans la fiction (analogique). C’est l’inverse du cas habituel où considère les règles du jeu comme « encadrant » la fiction : le niveau numérique serait alors autour du niveau analogique, d’où la nécessité de mettre en « pause » la fiction analogique pour référer aux règles.

      « Cacher » les enjeux numériques dans la fiction analogique est certes une sorte d’artifice, puisque les joueurs et joueuses sont bien conscient.e.s du de la supercherie.

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    3. L’enjeu, donc, comme le dit Valentin, ce serait de réussir à faire dialoguer ces deux niveaux de fiction, sans avoir l’impression de subir une cassure, mais sans non plus avoir l’impression de recourir à un artifice en dissimulant simplement la mécanique numérique (dont on aimerait pouvoir se passer, au final, puisque c’est elle qui induit la mise en route des cerveaux des joueurs et joueuses, en sollicitant LEURS compétences ludico-mathématiques) à l’intérieur de la fiction analogique.
      Bon, d’accord, peut-être que je suis le seul à vouloir absolument m’en passer, mais en tout cas je pense partager avec vous le fait d’être gêné par la mise en lumière subite de la mécanique numérique qui, même si elle est intégrée, n’est de toute évidence pas au même niveau que la fiction analogique.

      Or, à quoi nous servent les règles numériques ? Comme pour le jeu d’échecs, elles servent à délimiter les possibilités d’évolution de la fiction, selon des modalités aléatoires et proportionnelles. La « chance », le « hasard », les « inégalités » et les « rapports de force » sont délégués à une matrice générative. Vous me voyez venir : ce qu’il nous faudrait, pour résoudre le problème de la cassure analogique/numérique, ce sont des modalités purement analogiques de génération de la fiction. Pif, paf, pouf, narration naturelle.

      C’est exactement ce que propose Romuald, quand il parle de « retirer des quantités numériques » du système de jeu.

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    4. Mais la piste la plus intéressante, à mon avis, provient de Flavie, lorsqu’elle propose de dire, « je suis hyper charismatique » au lieu de « j’ai dix en charme ».

      Elle transforme, avec simplicité, la mécanique numérique en mécanique langagière.

      Autrement dit, elle déplace les enjeux d’équilibrage du jeu dans un niveau plus analogique de fiction : pour que la fiction continue à être générée, personne n’a besoin de « changer de niveau » (ni de « faire semblant qu’on n’a pas changé de niveau »).

      Je n’ai pas réellement matière à aller plus loin en élucubrations théoriques, je voulais simplement arriver à ceci : un système de jeu où prime un ou plusieurs systèmes de cohérence dont vous parlez à la fin du podcast sur le MANN (psychologique, esthétique… et même physique !) me semble moins enclin à provoquer la « planification » dérangeante qu’un jeu qui s’appuie sur une mécanique numérique, que les joueurs et joueuses ont besoin de manipuler directement.

      Si les éléments que les joueurs et joueuses ont à leur disposition pour continuer à générer la fiction sont des éléments numériques écrits sur une fiche de personnage, nécessairement, le changement de niveau de fiction intervient, et comme vous l’avez bien dit, la tension ludique incite alors à se concerter pour « résoudre » ou « gagner » les enjeux.
      Si, en revanche, les éléments que les joueurs et joueuses ont à leur disposition pour continuer à générer la fiction sont des possibilités d’exploration de la fiction telle qu’elle a été générée jusque là, c’est-à-dire avec les actes de langage que vous décrivez dans l’autre podcast, en respectant les systèmes de cohérence, etc., la cassure disparaît. Ou, quand bien même elle subsisterait, elle serait moins nette.

      Merci pour le podcast et pour la matière à réflexion !

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  4. Merci pour ce podcast :) J'ajoute une piste qui n'a pas été évoquée (il me semble ?), et que j'ai vu passer ailleurs (mais je ne saurais dire où...)

    C'est l'idée de résoudre ça par le moteur de jeu, avec une mécanique de "jet de planification" qui intervient pour déterminer dans quelle mesure les personnages ont réussi à anticiper les éléments d'adversité qu'ils rencontrent.

    On a peut imaginer plein de modalités pour mettre ça en place, de l'ellipse totale sur la planification avec des jets à chaque occurrence de l'adversité où un tel jet est jugé nécessaire, jusqu'à une planification allégée (jouée in-game ou en meta) donnant des bonus / des malus au jet de planification (bonus grâce à des indics ou accès à des plans de lieux par ex., et on peut imaginer un malus pour le temps passé en méta justement, même si on retombe sur le problématique "bâton").

    Je pense que ça pallie à un problème majeur qui n'a pas tellement été évoqué directement dans votre échange qui est pour moi l'écart qu'il peut y avoir, dans un sens comme dans l'autre, entre les capacités supposées des personnages à réaliser un plan excellent et les capacités des joueurs à en faire autant (sur le plan des connaissances de l'univers comme sur le plan des capacités intellectuelles).

    leno (rôliste non-pratiquant mais assidu auditeur de lacellule)

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