jeudi 5 mai 2016

Podcast JDR : La règle du jeu, la lettre et l'esprit de la règle



(Durée 01 : 56 : 06)
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En droit, on a coutume de distinguer la lettre et l'esprit de la règle. La lettre : c'est le sens littéral ou apparent de la règle. L’esprit : c'est l'idée générale qui a présidé à l'élaboration de celle-ci et qui continue à l’animer. Cette distinction existe aussi dans le vocabulaire du jeu de société et du jeu de rôle, mais, dans ce cadre précis, que veut elle signifier ?



Avec Colin, Fabien et Jérémie, d'une anecdote, nous nous interrogeons sur la distinction entre la règle d'un jeu et son esprit. Comment écrit-on la règle? Qu'est-ce qu'une règle ? Qu'est-ce que l'esprit d'une règle ? Qui a autorité pour dire ce qu'est l'esprit d'un jeu ? Cette conversation soulève des questions et les mots nous manquent pour répondre, voire même pour se les poser.

Bonne semaine à tous ! portez-vous bien et surtout jouez bien !

7 commentaires :

  1. L'opposition entre la lettre et l'esprit tire son origine de la lettre aux Corinthiens de Saint Paul :

    """" Lui nous a rendus capables d’être les ministres d’une Alliance nouvelle, fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. """"

    Mais on ne comprend cette phrase qu'au regard d'autres lettres de Saint Paul sur le fait que la Loi fait naître au péché, ou encore que les chrétiens pouvaient manger de la viande sacrifiée aux idoles, tant qu'ils ne croyaient pas aux idoles, s'opposant ainsi aux traditionnelles règles sur l'alimentation de la communauté juive etc. etc.

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  2. Dans le caractère général et abstrait d'une règle se trouve déjà la volonté de voir la règle s'appliquer à des situations que l'auteur de la règle ne pouvait pas imaginer.

    L'esprit de la règle ne serait donc pas ce que l'auteur (par exemple Napoléon et l'homosexualité) a voulu mais les valeurs et projets qui sous-tendent ces règles

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  3. Podcast très intéressant.

    Dans le contexte du jeu de rôle, le débat pourrait se réduire à dire que l'école "system doesn't matter" soutient l'esprit des règles là où l'école "systems matters" défend la lettre.
    Je cerne mieux, maintenant, la position de ceux qui s'opposent aux notes d'intentions.

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  4. C'est intéressant que Romaric évoque principalement l'hypothèse d'une règle un peu buguée qu'il faut réinterpréter en respectant l'"esprit du texte". C'est une approche que l'on retrouve en droit pendant tout le XIXeme siècle, et qui comporte un aspect "exégétique".

    Mais l'exemple que prend Fabien sur le mariage homosexuel relève d'une autre approche, que l'on appelle l'"interprétation constructive". C'est à dire que l'on a parfaitement conscience que notre interprétation du texte s'éloigne de celle de l'auteur du texte de loi, mais qu'on trouve dans la lettre du texte les moyens de la "tordre" au bénéfice de nos propres objectifs.

    Ceci pose évidemment la question de la légitimité. Qui de l'auteur ou de l’interprète est légitime pour définir l'objectif d'une norme et la fin qu'elle doit poursuivre?

    Mieux, ceci pose la question de la fraude. Un citoyen peut être puni de fraude lorsqu'il viole l'esprit de la loi, en s'appuyant sur une interprétation qui respecte pourtant la lettre du texte. Mais les juges qui se livrent à cette forme d'interprétation constructive ne sont évidemment jamais punis pour cela (au pire le législateur interviendra pour réécrire la loi de manière à renier leur jurisprudence).

    Mais qu'en est-il dans les rapports MJ/Joueur? Un PJ appliquant les règles à la lettre en en détournant l'esprit est-il un fraudeur (le fameux grosbill)? Et le MJ? D'autant plus qu'ici l'auteur ne pourra pas intervenir à posteriori pour faire respecter sa vision du texte.

    Autre type d'interprétation constructive: l'interprétation fondée sur des normes tellement larges qu'elles se limitent à énoncer un principe. C'est notamment le cas en droit lorsque le Conseil constitutionnel se fonde sur des articles de la Déclaration des droits de l'homme ou la constitution pour invalider certains textes de loi. Certes, aucun article de la constitution n'indique clairement que les méthodes de collecte d'informations prévues par la loi sur le renseignement sont invalides au regard de la Constitution. Mais le Conseil va se fonder sur une norme aussi large que "Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution (art 16 DDHC)" pour en conclure qu'une procédure de saisie de disque dur dans le cadre d'une perquisition administrative est inconstitutionnelle.

    On peut à cet égard opérer un parallèle avec le JDR, et notamment l'hypothèse du "Système 0", c'est à dire lorsque un MJ est confronté à une proposition d'un des joueurs qui ne cadre avec aucune règle du jeu, et sur laquelle il va néanmoins devoir se prononcer. Il va alors se fonder sur l'"esprit du jeu" pour déterminer si la proposition du joueur peut ou non être validée.

    On retrouve souvent implicitement ces "règles constitutionnelles du JDR". Je pense à Sens où l'auteur précise que l'on doit accepter une proposition dès lors qu'elle est cohérente avec l'univers. Ou encore qu'il ne faut jamais piéger les joueurs. Ou encore qu'il faut faire en sorte que si les joueurs désirent développer un certain aspect de l'univers, il faut aller dans leur sens. On voit clairement se dessiner un ensemble de "normes fondamentales" propres à certains jeux de rôle.
    Mais il pourrait être intéressant de les présenter de façon formelle comme une véritable "constitution du jeu". Une constitution sur laquelle le MJ pourrait même se fonder pour écarter certaines règles qui apparaissent "buguées" au regard de l'esprit du jeu.

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    1. Excellent, la "constitution" d'un jeu, c'est vraiment génial comme idée ! Il faudra que j'y repense. Mais d'une certaine façon, c'est la note d'intention du jeu: voilà ce que, moi auteur, j'aimerais que vous fassiez avec mon jeu, voilà ce que je souhaite pour lui. Cependant le présenter sous forme de "principes généraux" faisant directement partie des règles, c'est vraiment une manière intéressante de présenter les choses et ça pourrait simplifier pas mal de choses.

      Merci aussi pour la distinction entre "interprétation exégétique" "interprétation constructive".

      Entretemps j'ai lu un texte de Eco, qui aurait pu participer à ce débat, où il fait la distinction entre interprétation de l'auteur, interprétation de l’œuvre et interprétation du lecteur, c'est-à-dire en se plaçant chaque fois à un point de vue différent qui a sa propre légitimité (il ne me semble pas que j'en parle dans le podcast, on l'a enregistré il y a trop longtemps). Il y a donc l'idée que l'auteur veut dire quelque chose (avec sa personnalité, son vécu, ses croyances, etc.), que le lecteur peut y lire quelque chose (avec ses filtres, son contexte, etc.), et que "objectivement" l’œuvre dit encore quelque chose de différent et qui lui est propre (dans son contexte, avec ses mots, etc.). Je trouve que c'est aussi une idée qui aide à faire la part des choses.

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